Le terme kourgane, orthographié également kourgan ou kurgan — un mot d'origine tatare —, est la désignation russe des tumulus. Il s'agit de monticules, de tertres, voire de collines artificielles, recouvrant une tombe. Mais le terme recouvre, par extension, la civilisation qui a laissé ces vestiges : la civilisation des kourganes.

Les kourganes sont particulièrement nombreux au nord de la mer Noire (Russie méridionale et en Ukraine), mais on en trouve également dans tout l'est de l'Europe. Ils ont été laissés par une population qui vivait dans cette région au Néolithique, entre les Ve et IIIe millénaires av. J.-C.. L'archéologue Marija Gimbutas est à l'origine d'une hypothèse selon laquelle cette population serait proto-indo-européenne et parlerait la langue mère de toutes les langues indo-européennes. Quand elles ont commencé à se disperser, ces tribus connaissaient déjà la métallurgie du cuivre, et elles comptaient parmi les plus anciens éleveurs de chevaux du monde. Elles ont laissé un grand nombre de tumulus dans lesquels les fouilles archéologiques contemporaines ont pu mettre au jour de nombreux objets et autres témoignages de leur société.

Des kourganes ont également été laissés dans cette même région par les populations héritières de ces Proto-Indo-Européens, qui étaient notamment proto-indo-iraniennes, puis iraniennes et en particulier scythes. Les tumulus de grande dimension étaient ceux de rois. Plus à l'est, au Kazakhstan, ils pouvaient atteindre 200 mètres de diamètre. Ces imposantes tombes datent du Ier millénaire av. J.-C.. Selon les procédés funéraires mis en œuvre, les morts sont déposés en position fœtaleN 1, et abondamment saupoudrés d'ocreN 2,1.

De plus, pour étayer la thèse de l'origine steppique de cette civilisation, le linguiste allemande Otto Schrader affirme, au début du XXe siècle, que les langues originelles parlées dans les régions de la civilisations des tombes à kourganes ne possèdent pas de vocabulaire spécifique pour les arbres, les montagnes et les travaux agricoles.

Après la Seconde Guerre mondiale, l'américaine Marija Gimbutas développe sa propre vision de la dispersion de la civilisation des peuples à kourganes. selon elle, les premières traces de cette civilisation, correspondant au Kurgan I, se trouvent dans les steppes forestières du Nord de la Mer Caspienne, entre la Volga et l'Oural. Principale scientifique à défendre l'existence de la civilisation des kourganes, Marija Gimbutas localise l'aire d'origine de la civilisation des kourganes à l'Est du Don, même si elle fait évoluer par la suite sa théorie.

Rapidement, une chronologie est établie, grâce aux premières études menées à partir de la fin du XVIIIe siècle, basée sur l'observation des différentes pratiques funéraires. Une première période, celle des Tombes à fosses, une seconde période, celle des tombes à catacombes, puis une troisième période, celle des tombes à charpente, sont ainsi identifiées.

Selon Marija Gimbutas et ses continuateurs, qui a formulé en premier l'hypothèse du peuple des tombes à kourganes, au Ve millénaire, des populations de chasseurs cueilleurs se sédentarisent dans les steppes du Nord de la Mer Caspienne et commencent à domestiquer non seulement le chien, le porc, le bœuf, le mouton et la chèvreN 3, mais aussi le cheval, utilisé pour sa viande, pour sa force de traction et comme monture; cette première phase, le Kurgan I, est marquée par le développement de la culture de Samara.

Dans un second temps, les populations de la culture de Samara se serait répandue sur les steppes pontiques, jusqu'au Dniepr, entrant ainsi en contact avec la culture balkanique de Cucuteni-Trypillia. Les éléments entrés en contact avec les culture balkanique auraient formé le Kurgan II, s'étendant du Caucase (culture de Maïkop) au Danube.

Puis, au contact des civilisations danubiennes, la culture d'Usatovo s'individualise à la fin du IVe millénaire, après la destruction des cultures danubiennes, et forme le Kurgan III. Cette courte période se caractérise par l'essor de la civilisation des tombes à kourganes jusqu'en Allemagne, la culture de Baden aurait connu, selon Gimbutas, une forme de « kourganisation », tout en s'individualisant, avec une quatrième période, le Kurgan IV ou culture des tombes à fosses, étendue du Caucase au bouches du Danube. Par la suite, cette culture connaît progressivement une extension vers l'Est, permettant ainsi l'émergence de la culture d'Afanasievo.

La chronologie mise en valeur par Gimbutas souffre, selon Jean-Paul Demoule, de nombreuses incohérences, accentuée par les modifications de l'hypothèse par Gimbutas elle-même au fil des années.

À partir du début du XXe siècle, les fouilles mettent au jour des tombes à tumulus ou à kourganes, dans lesquels peu de mobilier a été découvert; en revanche, les archéologues ont mis au jour des ossements de chevaux, des objets de cuivre et des petites maquettes de chariots en argile, renforçant ainsi non seulement l'origine steppique de la civilisation des kourganes mais aussi un mode de vie et des croyances proches pour l'ensemble des populations de la civilisation des tombes à kourganes.

L'étude des kourganes permet de mettre en place une chronologie, chaque période se distinguant de la précédente par des pratiques funéraires spécifiques : ainsi, le Kurgan I est caractérisée par le saupoudrage d'ocre sur les corps des défunts, le Kurgan II et III se singularisant du Kurgan I par l'extension géographique du Kurgan I, tout en donnant naissance à la culture de Maïkop, du nom d'une brillante sépulture princière. Le Kurgan IV se caractérise par le développement des tombes à fosses.

Pour entrevoir la civilisation des tombes à kourganes, les chercheurs ont rapidement fait appel aux sciences auxiliaires de l'Histoire, comme la paléolinguistique

À partir des années 1980, d'autres artefacts sont étudiés dans le cadre de l'étude des civilisations des tombes à kourganes.

Ainsi, dans les années 1980, le squelettes trouvés dans les kourganes sont étudiés au moyen des techniques modernes. Ainsi, Roland Menek, de l'université de Genève, s'intéresse aux squelettes découverts dans les kourganes. Les résultats obtenus semblent remettre en cause l'idée d'une migration de masse; certains, à la lumière de ces résultats, affirment que les peuples des tombes à kourganes constituent en réalité une élite raciale indo-européenne.

Découvert lorsque l'Ukraine et le Caucase faisaient partie de l'empire russe, le ou les peuples utilisant des tombes de type kourgane est décrit par les archéologues amateurs russes, notamment Vassily Gorodcov. Les archéologues formulent l'idée que les populations composant la civilisation des kourganes sont fondamentalement différentes des populations appartenant à la culture de la céramique cordée. À partir des années 1960, sous l'influence de l'archéologue Marija Gimbutas, les archéologues ont prétendu que l'étude de la civilisation des peuples des tombes à kourganes permettrait d'observer un processus d'hybridation, entraînant le mélange de plusieurs cultures.

S'appuyant sur les théories de Georges Dumézil, certains tenants de l'hypothèse kourgane ont affirmé que la population utilisant les tombes de type kourgane appartenait aux sociétés à État, nommées en anthropologie « sociétés stratifiées ». Cependant, les traces laissées par la population des kourganes ne permettent d'affirmer à coup sûr que ces populations étaient organisées en en chefferies.

Selon l'archéologue britannique Andrew Sherratt (en), la spécialisation néolithique de l'économie européenne a incité ces populations à étendre l'ampleur des parcours de transhumance de leurs troupeaux et à pratiquer non seulement l'élevage nomade, afin d'exploiter au mieux les possibilités que le milieu dans lequel cette société évolue, mais aussi des formes d'agriculture.

En dépit des divergences d'analyse entre chercheurs, nombreux sont ceux qui insistent sur le fait que, parmi la population enterrée dans les kourganes, on comptait de nombreux guerriers. Cependant, comme peu d'indices attestent de l'utilisation militaire du cheval durant cette période, ces guerriers ne semblaient pas combattre à cheval.

Les résultats des fouilles menées dans les années 1950 et 1960 attestent de l'écroulement des brillantes civilisations de la fin du Néolithique établies sur le pourtour de la Mer Noire; ces civilisations, ayant découvert les procédés de la métallurgie de l'or et du cuivre, auraient été balayées au cours du IVe millénaire par des invasions lancées par des peuples ayant domestiqué le cheval, les peuples des tombes à kourganes.

Cette population guerrière aurait rapidement connue une organisation hiérarchisée, patriarcale et guerrière, selon Marija Gimbutas et c'est par la conquête des groupes humains rencontrés sur leur chemin que les populations de la civilisation des kourganes auraient pu étendre l'emprise territoriale de leur culture.

Les succès rencontrés par cette civilisation a permis un certain attrait pour les populations vivant dans son voisinage immédiat.

Selon l'Américain Ward Goodenough, la conquête et la maîtrise de la steppe permet l'afflux dans ces régions peu peuplées d'immigrants originaires de régions plus peuplées et la mise en place de sociétés moins ostensiblement inégalitaires que celles qui s'organisent alors en Europe occidentales et dans les Balkans.

Le débat sur les usagers des tombes à kourganes s'est longtemps organisé autour de l'origine de cette population et sur sa structure sociale. Dès les années 1920, les premières synthèses érudites sont publiées, en Français, pour les chercheurs occidentaux, d'abord en 1921 par le préhistorien allemand Max Ebert puis en 1926 par l'archéologue finlandais Aarne Michaël Tallgreen.

Cependant, les débats linguistiques ont aussi constitutifs de la formulation de ce que l'on a appelé l'hypothèse kourgane. Ainsi, selon les tenants de cette hypothèse, la dispersion linguistique s'est opérée dans la seconde moitié du IV ème millénaire avant notre ère, Ainsi, Gordon Childe, à partir des années 1920, s'appuie sur la paléolinguistique pour établir des liens de parenté entre les populations usant des tombes à kourganes et d'autres populations plus récentes, notamment les populations sumériennes et babyloniennes. Mais Colin Renfrew réfute la thèse de la dispersion linguistique durant le IVème millénaire en affirmant qu'elle n'est pas réaliste en raison des traces laissées par cette civilisation, s'opposant ainsi aux idées de Gimbutas.

De même, Ward Goodenough défend l'hypothèse de l'origine européenne de la civilisation des tombes à kourganes. Il est soutenu dans ce débat par Colin Renfrew, pour qui la mise en place des premières langues constitue une phase terminale de l'évolution régionale.

Dès les années 1920, de nombreux chercheurs développent la thèse de l'appartenance des populations ensevelies dans les kourganes aux populations européennes. Ainsi, Gordon Childe fonde sa thèse de l'origine steppique des populations indo-européennes sur l'étude des kourganes.

S'appuyant sur les travaux de Georges Dumézil, certains chercheurs ont affirmé que les sociétés des tombes à kourganes, organisées selon le principe de tripartition des fonctions sociales au sein de la société, étaient d'origine indo-européenne. Cependant, selon Colin Renfrew, les modes d'organisation sociale des sociétés de la fin du Ier millénaire avant l'ère chrétienne, mis au jour par Dumézil et ses continuateurs, apparaissent tout simplement anachroniques pour des sociétés ayant évolué plus de 2 000 années auparavant.

Dans les années 1970, les intellectuels gravitant autour du courant de la Nouvelle Droite, notamment Alain de Benoist, développent la thèse que les populations des kourganes ne seraient en réalité qu'un simple rameau indo-européen s'étant adapté à la réalité de la steppe d'Europe orientale et ayant, de ce fait, adapté un mode de vie importé du Nord de l'Europe à ce milieu.

Selon les tenants de la théorie steppique, les peuples indo-européens originels auraient été un peuple de guerriers qui auraient pillé les brillantes cultures sédentaires installées. Jean-Paul Demoule défend au contraire l'hypothèse que ces cultures brillantes auraient connu une forte instabilité que la moindre fluctuation accentue jusqu'à la rupture. D'autres, James Mallory notamment, défend l'idée de l'existence d'une élite parmi les peuples à tombe de type kourgane, en dépit des réserves qu'il formule quant à cette hypothèse.

Les succès d'éditions des ouvrages de Marija Gimbutas, puis de Colin Renfrew, en rupture avec les thèmes d'études privilégiés dans les années 1960 et 1960, marquée par l'essor de l'histoire économique et sociale, assure la popularité d'une hypothétique civilisation des peuples à kourganes : la thèse, relayée par les travaux de Colin Renfrew, que les peuples ensevelis dans les kourganes seraient des envahisseurs venus des steppes, par sa simplicité et son côté spectaculaire, rencontre alors un grand succès.

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Commentaires

  • Lars6

    1 Lars6 Le 12/06/2022

    Super intéressant, ça donne envie d'en savoir beaucoup plus. Ce site va devenir mon loisir préféré

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