Chamanisme

 

Le chamanisme, ou shamanisme, est une pratique centrée sur la médiation entre les êtres humains et les esprits de la nature ou les âmes du gibier, les morts du clan, les âmes des enfants à naître, les âmes des malades à ramener à la vie, etc. C'est le chamane qui incarne cette fonction, dans le cadre d'une interdépendance étroite avec la communauté qui le reconnaît comme tel.

Le chamanisme, au sens strict (chamane vient étymologiquement de la langue toungouse), prend sa source dans les sociétés traditionnelles sibériennes. Partie de la Sibérie, la pensée chamanique a essaimé de la Baltique à l'Extrême-Orient et a sans doute franchi le détroit de Béring avec les premiers Amérindiens. On observe des pratiques analogues chez de nombreux peuples, à commencer par les Mongols, les Turcs et les Magyars (avant leur christianisation), qui seraient tous originaires de Sibérie, mais aussi au Népal, en Chine, en Corée, au Japon, chez les Amérindiens d'Amérique du Nord, en Afrique, en Australie et chez les Amérindiens d'Amérique latine.

Le chamanisme scandinave

Il y a des exemples très nets de chamanisme dans le monde indo-européen, surtout dans sa mythologie. Ainsi, le dieu Odin des Scandinaves peut quitter son corps, qui gît alors comme endormi, sous une forme animale, et voyager là où il le désire. Il possède un cheval à huit pattes, très rapide (Sleipnir), qui est aussi identifié à un arbre cosmique (Yggdrasil) semblable à celui utilisé par les chamanes lors de leurs voyages. Par ailleurs, Odin est un grand magicien et il peut forcer les morts à livrer les secrets de l'au-delà, ce qui est une prérogative du chamane. Dans la Grèce antique, on connaît le poète Aristée de Proconnèse. Il était transporté au loin lors de « délires apolliniens » (Apollon étant un dieu apparenté à Odin). Il abandonnait son corps, qui gisait comme mort. Sur son île, une statue le représentait à côté d'Apollon (Hérodote, IV, 13-15). Pline l'Ancien rapporte qu'elle représentait son âme quittant son corps sous la forme d'un corbeau.

La cosmologie indo-européenne ressemble au chamanisme néolithique : l'univers est constitué de trois mondes, le Ciel, la Terre et les Enfers, qui sont reliés par un arbre. La voyance, la divination ou la magie sont plus l'affaire des femmes que des hommes (d'où les croyances aux sorcières). Le chamanisme masculin se voit relégué dans la mythologie tandis que les fonctions sacerdotales sont exercées par une classe de prêtres.

Les Scandinaves considéraient leurs voisins Lapons (de langue finno-ougrienne) comme de grands magiciens. Ils appelaient aussi ce peuple les Sameh (singulier Same), comme les Lapons se nomment eux-mêmes. De toute évidence, le chamanisme était très développé chez eux. Les chamanes sameh étaient appelés des noaides. Leurs pratiques ont été décrites au XIIIe siècledans l'Historia Norwegiae. Ils officiaient grâce à des assistants qui chantaient et ils utilisaient un tambour (comme leurs homologues sibériens) et un marteau de corne. Ils pouvaient prendre une forme animale pour aller se battre contre un confrère, découvrir un voleur ou même le mutiler à distance, attirer le gibier à portée des chasseurs ou le poisson dans le fjord, provoquer des états d'hypnose ou d'illusion des sens. Les Finno-Ougriens sont originaires des forêts du nord de la Russie. D'une manière ou d'un autre, une analyse fine du chamanisme le fait toujours provenir du nord de l'Eurasie...